vendredi 9 février 2018

Une sorte de nitescence langoureuse

Je viens de lire un petit bijou de bouquin : Une sorte de nitescence langoureuse. Oui, je sais, drôle de titre (*), qui fait presque trop littérature sérieuse (ou plutôt qui se prend au sérieux), et c'est voulu, puisque ce livre raconte l'histoire parallèle de deux auteures ; la première, scientifique accomplie et sérieuse, vient de publier un premier roman acclamé par la critique (dithyrambique comme le montrent plusieurs extraits tirés de divers médias), et son premier roman porté aux nues s'intitule justement Une sorte de nitescence langoureuse, titre qui donne le ton au genre de roman et au genre de critique qui ont adoré cette œuvre saluée à l'unanimité.
De l'autre côté, on suit une autre auteur, qui vient de publié un nouveau roman de science-fiction appelé Rendez-vous sur Apocalypse… publication suivie d'un silence total des médias.
Évidemment, silence total puisque c'est de la SF alors que tout le gratin littéraire n'en a que pour la nouvelle venue en littérature générale. Air connu des amateurs de littérature de genre.
Au fil des chapitres, on suit donc nos deux écrivaines, avec des plongées dans leur enfance, leurs souvenirs, leurs expériences de vie et d'autrices, et se tisse ainsi une petite histoire qui trouvera son apogée quand elles sont toutes deux invitées à la même émission de radio.
Ce petit livre n'a l'air de rien comme ça, mais il comporte dans un court 150 pages joliment illustrées (un très bel objet composé par les Éditions Alire), des dizaines de bonnes idées qui s'imbriquent avec naturel et sur plusieurs niveaux les unes dans les autres.
D'abord, pour l'auteur que je suis, le sujet ne pouvait que me plaire, a fortiori à l'amateur de littérature de genre (et de SF) en moi. Mais ce n'est pas juste ça. C'est bien plus qu'une inside joke sur la le milieu du livre.
C'est aussi et surtout une position, féminine (l'auteure et ses deux alter-ego fictives sont toutes trois des femmes) et féministe, c'est l'auto-fiction – car chacune des deux écrivaines du récit donne l'impression d'avoir beaucoup en commun avec Sylvie Bérard (qui, transparence, est une connaissance à moi et quelqu'un que je suis depuis de nombreuses années), c'est le regard lucide (c'est souvent très touchant) et humoristique (ce livre est parfois très drôle) et ironique sur le milieu littéraire et la création. D'ailleurs, Sylvie Bérard n'est jamais bien loin derrière une narratrice qui s'immisce parfois subtilement dans l'histoire qu'elle raconte – Même au IL, on sent parfois poindre le JE derrière celle qui nous raconte.
Comme lecteur - et c'est toujours agréable - on se sent entre bonnes mains, entre les mains compétentes d'une écrivaine qui sait parfaitement ce qu'elle fait, et c'est une joie constante de se laisser porter par sa plume fluide et colorée, riche et agréable mais jamais prétentieuse. Bref, ce livre est un petit bijou qui joue sur plusieurs tableaux et qui frôle la truculence (les excès farfelus en moins, quoique).
J'ai reçu, quelques jours après la fin de ma lecture, alors que je me disais que ce livre méritait que j'écrive un petit texte sur mon blogue à son sujet, le nouveau numéro de Solaris – revue ayant déjà publié des nouvelles de Sylvie Bérard – j'ai eu l'honneur d'apparaitre au même sommaire qu'elle avec toute une panoplie d'autres dans Solaris 192 en 2014.
Au sommaire de cette 205e livraison de Solaris, une critique dithyrambique (et délicieusement alambiquée) signée Élisabeth Vonarburg, qui visiblement, a adoré autant que moi ce petit bouquin.
Si vous n'êtes pas encore convaincu de lire Une sorte de nitescence langoureuse, lisez cette critique, elle vous convaincra c'est certain!
(*) Vous comprendrez, avec la chute de ce livre, toute l'ironie et l'intelligence derrière le choix de ce titre.